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par PhilippeB [post-views]

Peux tu te présenter et nous expliquer pourquoi tu es devenu entraineur de Handball ?

Je m’appelle Gregory Cojean et je suis responsable de formation du HBC Nantes. J’ai 39 ans et cela fait maintenant, je crois, 14 ans que j’entraine et que j’ai arrêté de jouer et j’entraîne quasiment à temps plein.

Où as tu commencé à entrainer ?

J’ai commencé à entrainer dans le club de Bouguenais et parallèlement j’entrainais également, sur une séance, les séniors de mon club d’origine à Trignac.

Qu’est ce qui t’a amené à entrainer ?

J’étais joueur, comme nombre d’entre nous et très jeune, je dirais aux alentours du niveau cadet, il y avait des choses à l’entraînement qui ne me satisfaisaient pas pleinement et très très jeune, j’ai ressenti cette envie de me dire : quand j’entrainerai, je ne le ferai pas comme cela. C’est arrivé très jeune, en cadet, dans mon club d’origine à Trignac, que tu connais bien. Peux être une légère frustration à l’époque, quelque chose comme cela.
Après, j’ai plutôt un tempérament de meneur et c’est vrai que les années ont passées et j’ai pris l’entrainement. On me l’a proposé, j’ai pris et je me suis lancé dans cette aventure là.

Avant ton premier entrainement, avais tu suivi une formation préalable ?

Alors aucune formation au niveau du Handball. Par contre, j’étais au STAPS, j’étais à la Fac, déjà dans un cursus qui devait m’amener à encadrer des jeunes. Donc j’étais quand même dans un cursus qui allait m’amener à faire de l’animation et de l’encadrement mais au niveau Handball, je n’avais aucune formation.

Lors de tes débuts d’entraineur quelle a été ta plus grande difficulté ?

Je crois que comme nombre d’entraineurs, à l’époque j’avais des minimes l’époque (-12 ans) à Bouguenais, j’étais en Licence Staps, donc j’avais 20 ans et donc je reproduisais beaucoup ce que l’on faisait à l’entrainement pour les séniors pour des moins de 12 ans. Donc la difficulté était vraiment de s’adapter à la catégorie d’âge et aux besoins des jeunes garçons.

Avais tu des appuis en interne ? des techniciens sur lesquels t’appuyer ?

Oui, je me souviens, j’ai des souvenirs marquants de Laurent Duc qui venait de temps en temps sur mes séances. C’était mon entraineur de séniors à l’époque, professeur des écoles et qui avait déjà, je pense, à cette époque, « l’expert » adulte, donc un entraineur qualifié et expérimenté et qui venait me suivre sur certaines séances. Et je préparais mes séances au crayon de bois, comme je le fais toujours et je me souviens d’une feuille où il avait mis pas mal de rouge, comme un instit qui corrige une copie. J’ai ce souvenir là, cela faisait partie de mes premières séances et comme je te disais, à l’époque, je reproduisais beaucoup ce que l’on faisait en sénior et il me questionnait sur le sens que je donnais à mes situations, etc, etc. C’était les débuts.

Quels étaient tes supports pour construire tes entrainements ?

Alors oui, comme je te l’ai dit, j’étais déjà dans le cursus Staps. On avait quand même des cours sur l’organisation, la construction d’une séance, les différentes étapes, l’échauffement, situation 1, situation 2, situation 3… On avait déjà certains cours théoriques sur le canevas général d’une séance.
Donc là dessus, je n’étais pas démuni et puis on fonctionne toujours, les entraineurs, avec certains modèles et je reproduisais aussi ce que faisait Laurent (Duc NDLR) avec les séniors, dans la logique de construction.

A cette époque là, quand tu as commencé, combien de temps consacrais-tu à ta préparation de séance ?

Très peu de temps. J’étais étudiant Staps. Je découvrais un petit peu le métier quelque part, et voilà, c’était plus, comment dire, de l’enchainement de situations que l’on vit en séniors, l’enchainement d’exercices sans réelle logique, sans réel liant et sans réel sens et je faisais cela à l’époque assez vite fait sur un bout de papier avant d’entrainer.

Avec le recul, tu penses que cela était suffisant ?

Non, non, bien sûr que non. Mais voilà, comme tous les jeunes entraineurs, il faut se lancer. Je pense que l’on marche beaucoup par essai-erreur.
Par contre, quelques années après, j’ai fait le niveau minimes en licence, c’était mon stage pratique en club, parallèlement j’entrainais des séniors le lundi soir, plus basé sur la préparation physique séniors, donc c’était quelque chose que je maîtrisais un peu mieux. Et par contre, quand j’ai commencé à entrainer un petit peu plus, dans les années suivantes. Donc là j’ai commencé à 20 ans, mais j’ai commencé à entrainer plus vers 25 ans : j’ai pris les -18 ans Championnat de France à Bouguenais et ensuite les -16 ans et là par contre, je prenais beaucoup de temps pour préparer mes séances.
Mais il y a eu un delta entre mes 20 ans et mes 25 ans, où là j’entraînais plus vraiment ou un peu les séniors, donc j’ai fait un peu mes gammes sur les séniors. Mais quand je suis revenu sur les jeunes, là par contre, je prenais énormément de temps pour préparer mes séances. Cela me prenait au moins une heure à chaque séance.
J’avais de la chance, j’étais pion et j’avais du temps la journée pour bien préparer mes séances, bien les étudier, aller chercher dans les bouquins, aller chercher dans les supports, réfléchir, mettre en place des séances, avoir de la réflexion par rapport à ce que je cherchais après la séance. Me dire vraiment qu’est ce que tu as voulu faire ? Est-ce que tu as réussi ? etc.
Et là, j’y ai passé beaucoup plus de temps.

Quel aurait été l’outil idéal pour accompagner ta démarche d’entraineur ?

L’outil idéal, c’est compliqué ! De toute façon, moi j’ai fonctionné comme cela : c’est à dire qu’un outil j’en avais un : déjà j’étais dans un cursus Staps à 20 ans. A 25 ans, quand j’ai arrêté, j’avais déjà 2 licences Staps et je commençais à passer les diplômes fédéraux, donc je rentrais déjà dans un système et je crois que sur l’année de mes 25 ans, quand j’ai pris les moins de 18 ans à Bouguenais, j’ai pris toutes les séances qui me plaisaient sur Approches et je les ai faîtes à l’entrainement. Et je me les suis appropriées au fur et à mesure par essai-erreur.
Alors ce qui fait qu’il n’y avait pas toujours une cohérence globale dans les séances que je donnais mais moi je me suis fait, en tant qu’entraineur, à tester des situations, réguler, remédier, pourquoi tu le fais, et puis ça ça n’a pas marché donc il faut changer tel exercice, il faut que là ce soit un petit peu plus difficile. Mes 2 premières années d’entraineurs, sur les deux générations moins de 18 et moins de 16, j’ai expérimenté beaucoup.

Est-ce que tu as une botte secrète quand rien ne se passe comme prévu pendant l’entrainement ?

Déjà, la première chose, c’est que maintenant, cela fait 15 ans que j’entraine quasiment tous les jours. Donc cela se passe généralement plutôt bien. Il y a encore des moments dans les séances où je me laisse un peu trop emporté par l’affect et du coup je prend pas assez de recul et je n’arrive pas à réguler la séance au bon moment pour qu’elle arrive vraiment où je veux qu’elle arrive. Donc cela m’arrive encore mais globalement il n’y a pas de séance qui parte en free style.
Après, je joue avec les outils : la difficulté de la tâche, la gestion de l’espace, remettre un petit coup d’animation, remettre un petit coup de défi aussi. Le défi, le défi, toujours le défi pour relancer un peu la machine et avec les jeunes, le défi cela prend très très vite.
Donc un petit peu d’animation, un défi, une régulation sur la difficulté de la tâche, comme on le dit, et puis j’arrive un petit peu à relancer la machine.
J’ai d’autres défauts. Je peux basculer un petit peu plus sur l’aspect affect, relationnel et là, ne plus penser purement au contenu de la séance, à l’aspect handball et c’est généralement là que les séances se déroulent pas comme je souhaitent qu’elles se déroulent.

Par rapport à ton profil d’entraineur de centre de formation de club pro, mon avant dernière question sera : Qu’est ce que former un joueur pour toi ?

La formation, pour moi, former, c’est une étape qui est très longue. Moi, j’ai des 17-21 ans et on parle encore de centre de formation. Donc si on commence le cursus à 8 ans, ou si on commence le cursus à 6 ans, la formation, elle est très longue, très très longue. Et à chaque catégorie d’âge, à chaque moment de vie du jeune joueur ou de la jeune joueuse, il faut être capable, comme je le disais tout à l’heure, de taper juste sur qu’est ce que je dois faire avec ce joueur à tel moment. Et je dis bien : avec ce joueur ou cette joueuse et non pas avec cette catégorie d’âge. Bien sûr, il y a les catégories d’âge mais il y a aussi le joueur dans sa formation. Il y a plein d’étapes d’évolution du jeune : l’évolution physique, l’évolution psychologique, l’évolution sur le plan perceptive-décisionnel. J’ai appris cela en Staps mais j’y ai appris pas mal de choses, avec du recul, mais l’âge d’or de l’apprentissage moteur cela reste quand même 8-12 ans donc il y a beaucoup de choses à faire au niveau moteur entre 8 et 12 ans.
Donc je crois que la formation, c’est quelque chose d’extrêmement complexe et qu’il faut être précis à chaque étape de la formation. Dans le cursus de formation d’un jeune joueur, moi j’arrive vraiment au bout du cycle. C’est à dire que par exemple, sur l’apprentissage moteur, j’arrive encore à modifier certaines petites choses mais c’est extrêmement difficile de modifier la motricité d’un jeune de 17 ans, il a déjà construit pas mal de choses. Donc moi, mon intervalle, ma capacité à former, elle se fait, j’ai plus une approche tactique, j’ai forcément une approche physique, physiologique mais j’ai plus une approche tactique, technique et également une approche au niveau de l’exigence que l’on attend d’un joueur de haut niveau ou d’un joueur professionnel.
Mais avant d’arriver à ce stade là, il y a énormément de travail à faire. Ce que j’ai appris moi, ces dernières années dans la formation, ce que j’ai appris….
En tout cas j’ai évolué. J’essaie de m’adapter beaucoup plus au joueur, à l’individu. A essayer de repérer et d’identifier le plaisir qu’il prend sur le terrain. Qu’est ce qui fait qu’il joue au Handball ? A quel moment sur le terrain, il prend du plaisir ? Est-ce que c’est à faire une passe décisive ? Est-ce que c’est à marquer un but ? Est-ce que c’est à marquer un but spectaculaire ? Est-ce que c’est tamponner un joueur ? Est-ce que c’est piéger son adversaire ? Et par rapport à cela, à une époque j’essayais quand même, j’avais une approche du joueur où j’essayais de les faire rentrer dans des cases et je me suis aperçu que cela ne fonctionnait pas et je reprend un petit peu les choses à l’inverse : je pars des points forts et du plaisir pour essayer de les faire évoluer.
A une époque, je me souviens d’un joueur qui joue à Saint-Nazaire maintenant, que j’ai essayer de faire passer du poste de demi-centre à l’aile et il était en train de mourir à l’aile. C’est sûr que pour le haut niveau, il valait mieux qu’il passe à l’aile mais il perdait tout, il perdait tout son jeu, tout son plaisir. C’était un joueur qui avait besoin d’avoir souvent la balle, c’était un joueur qui avait besoin de jouer des 1 contre 1, de prendre des responsabilités et le fait de le mettre dans l’aile, il perdait tout son plaisir. Et dès que je le remettais sur la base arrière, il prenait tous les ballons, il me gaspillait tous les ballons et je me suis aperçu que ce joueur là avait besoin de ballons et que l’enfermer dans l’aile cela allait le tuer et qu’il ne serait peut être pas fait pour le haut niveau mais que le but du jeu c’était de le faire avancer en s’appuyant sur ses points forts.
Voilà la petite expérience que j’ai, j’ai le souvenir de ce joueur là et d’une séance en particulier mais j’essaie maintenant de beaucoup plus m’appuyer sur les points forts. Avant je voyais surtout tous les points faibles, tout ce qui avait à corriger pour accéder au haut niveau et j’allais au mastic sur les points faibles, sur les points faibles, sur les points faibles. Mais cette approche là fait que l’on met tout le temps en difficulté le joueur et à un moment donné, il peut perdre plaisir, confiance, le fil de son aventure et de ce qui fait qu’il est bien dans l’activité.
Et donc aujourd’hui j’essaie plus de tâcher à partir de ses points forts et après lui dire si tu veux bien utiliser tes points forts, il va falloir quand même que tu travailles sur ça, sur ça, sur ça… Mais partons des points forts, mets toi dans une situation de « confort » entre guillemets, de situation positive mais à partir de là, on va essayer encore d’améliorer tes points forts et d’essayer de travailler quand même un petit peu tes points faibles pour mettre encore plus en avant tes points forts.
C’est un peu plus là mon approche. Mon évolution ces dix dernières années a été plus là-dedans, même si des fois, chasse le naturel, il revient au galop, j’ai beaucoup plus d’interventions sur les points faibles du joueur que sur ses points forts.

Qu’est ce qui aujourd’hui te ferait utiliser www.entrainement-handball.fr ?

Quelque chose qui me plait dans le métier, c’est la créativité. Créer des séances, créer des exercices, inventer des exercices, inventer des nouvelles séances, pour moi, c’est quelque chose qui me plait dans le métier. Ces dernières années, j’ai perdu un peu cet aspect créatif parce que j’entrainais tellement qu’à un moment donné, j’étais plus à répéter des entrainements que j’avais créé bien avant, bien avant, que j’avais amélioré au fil du temps mais que j’avais créé bien avant. Alors je les animais un petit peu mieux mais sur l’aspect création d’entrainements, j’avais perdu un peu ça.
Donc ce que je vais aller chercher dans le site, en tout cas, c’est là encore, une nouvelle approche, de nouveaux exercices, peut être une nouvelle façon de traiter un sujet, le duel tireur-gardien ou autre, même si j’en ai vu, et j’en ai vu un paquet. Parfois un mot, parfois une phrase amène à une réflexion, amène à la création d’une situation… une association d’idées qui fait que « ah ouais, tiens si on met le passeur là, à telle place et qu’à ce moment là, le gardien donne un signe, ça peut changer.
Et moi cela va être un temps de questionnement, un temps où je vais peut être créer autre chose que ce que je fais depuis des années.

Merci Greg d’avoir pris le temps de nous répondre.